Levée de boucliers contre le verrouillage mondial le 25 février
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Levée de boucliers contre le verrouillage mondial le 25 février
Face à l'opposition grandissante des citoyens européens à l'encontre des accords anti-contrefaçon (Anti-Counterfeiting Trade Agreement, ACTA en anglais) signés le 26 janvier 2012 au Japon par le Comité exécutif de l'UE, la commission européenne a décidé de demander l'avis de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) sur la conformité d'ACTA avec les libertés fondamentales. L'enjeu est important puisque l'accord commercial anti-contrefaçon, s'il est adopté, risque de changer beaucoup de choses pour les citoyens des pays signataires.
Les accords commerciaux anti-contrefaçon sont négociés depuis 2006 à l'initiative des USA et du Japon entre 39 pays, dont les 27 de l'Union européenne, dans le plus grand secret, sans consultation des parlements et encore moins des citoyens. Jusqu’à mi-2010, le Représentant américain au commerce, le Département australien au Commerce et aux Affaires étrangères, la Commission européenne(ainsi que d’autres agences gouvernementales) admettaient qu’elles participaient aux négociations mais refusaient de publier des ébauches du traité ou de discuter des sujets à l’étude. Ces accords, désormais connus, ont pour objectifs déclarés de lutter contre la contrefaçon et s’opposer aux violations du droit d'auteur ou de la propriété intellectuelle. Ils recouvrent plusieurs domaines : liberté d’expression, santé, surveillance d’Internet, et organisation du commerce mondial. Mais derrière les bonnes intentions affichées se cachent de nombreuses zones d'ombre qui pourraient mettre en péril les libertés d'expressions des citoyens, la vie privée des internautes et renforcer les monopoles des entreprises lobbyistes, particulièrement celles de l'industrie du divertissement et pharmaceutique.
Surveiller les internautes, censurer le réseau et privatiser les échanges
Le rapporteur de l'ACTA au Parlement européen a démissionné le 26 janvier dernier (jour de la signature de l'accord à Tokyo), dénonçant les pressions exercées sur les parlementaires européens pour qu'ils votent le texte le plus rapidement possible. Des manifestations citoyennes contre ces accords se sont déjà déroulées dans plusieurs villes européennes alors qu'un nouvel appel à manifester dans toute l'Europe a été lancé pour ce samedi 25 février. Mais que contiennent donc ces accords pour générer une levée de boucliers pareille ?
Un volet d'ACTA porte sur la propriété intellectuelle touchant Internet : les fournisseurs d'accès internet (FAI) deviendraient responsables des contenus partagés, échangés par leurs clients et se verraient donc dans l'obligation de surveiller les informations transitant par leurs "tuyaux". En clair, avec ACTA, les FAI deviennent des gendarmes d'Internet :
Il est même prévu la limitation des outils informatiques pouvant entre autres contourner des protections. ACTA a donc vocation à décider des logiciels que les utilisateurs auront ou non le droit d'utiliser :
Le principe de neutralité du réseau mondial serait balayé par ACTA alors que dans le même temps la confidentialité des communications deviendrait obsolète. Les technologies d'espionnage les plus intrusives, comme le DPI (Deep Packet Inspection, inspection profonde de paquets) seraient alors mis en oeuvre par les FAI afin de s'assurer qu'aucun fichier sous copyright ne transite, et pouvoir dénoncer les contrevenants dans le cas inverse. Un peu comme si la poste se mettait à ouvrir toutes les enveloppes pour lire les courriers et décidait ce qui peut être acheminé ou non. Le logiciel libre serait lui aussi pénalisé par ACTA : l'interdiction de rétro-ingénierie des formats propriétaires empêcherait à un système comme Linux de pouvoir proposer des logiciels en mesure de lire des DVD, par exemple. La commission européenne déclare qu'aucune surveillance d'Internet ne surviendra avec ACTA : mais l'obligation faite aux FAI de dénoncer les internautes qui "porteraient atteintes aux droits d'auteur" oblige à une surveillance de ceux-ci, une contradiction que la commission ne semble pas prendre en compte...
Les médicaments génériques et les semences bloqués aux frontières ?
ACTA ne prévoit pas d'interdire la production ou la circulation des médicaments génériques à destination des pays en voie de développement comme cela a été dénoncé de façon abusive. Mais les accords commerciaux anti-contrefaçons, de manière plus vicieuse qu'avec une interdiction pure, risquent de limiter très sérieusement le passage aux douanes des médicaments génériques. Les précédents de blocages en douanes de bateaux indiens transportant des médicaments génériques en 2008, comme une cargaison de molécules anti-VIH (toujours génériques) à destination du Nigéria en 2009 par des douanes européennes, sont des signes inquiétants de ce que les accords pourraient produire. Avec ACTA et le renforcement des contrôles aux douanes, la circulation des médicaments génériques pourrait se trouver fortement entravée.
ACTA concerne "tous les secteurs de la propriété intellectuelle qui font l’objet des sections 1 à 7 de la Partie II de l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, dont le brevet". De nombreux écologistes voient dans ACTA la possibilité de restreindre la circulation des semences avec la multiplication des brevets pour les organismes génétiquement modifiés (OGM ) : on peut lire par exemple sur la notice d'une semence Syngenta distribuée en France "La réutilisation de semences (…) est strictement interdite, sous peine du paiement d’une redevance en vertu des lois applicables ". Le traité ACTA faciliterait l’application de ces mesures en faveur de la brevetabilité du vivant , parce que s'il n'est pas autorisé de déposer un brevet sur une semence non-OGM, il est par contre désormais possible de breveter un procédé de sélection ou un gène. Par exemple, un gène peut être choisi parce qu’il est résistant à la sécheresse, et dans ce cas, l'utilisation d'une semence dont le gène a été breveté pourrait être assimilé à de la violation de propriété intellectuelle. Puisque le gène breveté est contenu dans la semence, utiliser la semence revient à utiliser le gène et donc violer la propriété intellectuelle sur son brevet.
En conclusion
L'accord commercial anti-contrefaçon semble avant tout taillé sur mesure pour les multinationales qui ont longuement travaillé en coulisses pour que celui-ci voit le jour. Tout indique qu'ACTA vise à protéger les intérêts commerciaux et industriels des pays occidentaux avant ceux des citoyens ou des pays émergents. Mais sous prétexte de lutter contre la contrefaçon et le piratage, les atteintes aux libertés sont trop importantes pour que l'adoption d'ACTA se fasse facilement. Certains pays font déjà machine arrière comme l'Allemagne dont le ministre des affaires étrangères a suspendu ses instructions pour la signature, ainsi que la Pologne. De nombreux pays ont déjà signé l'accord, dont les USA et la France, mais celui-ci doit être voté au parlement européen en juin pour rentrer en application. D'ici là, si les citoyens continuent à se mobiliser, il est possible que l'accord ne voit jamais le jour. Au grand dam des multinationales.
Les accords commerciaux anti-contrefaçon sont négociés depuis 2006 à l'initiative des USA et du Japon entre 39 pays, dont les 27 de l'Union européenne, dans le plus grand secret, sans consultation des parlements et encore moins des citoyens. Jusqu’à mi-2010, le Représentant américain au commerce, le Département australien au Commerce et aux Affaires étrangères, la Commission européenne(ainsi que d’autres agences gouvernementales) admettaient qu’elles participaient aux négociations mais refusaient de publier des ébauches du traité ou de discuter des sujets à l’étude. Ces accords, désormais connus, ont pour objectifs déclarés de lutter contre la contrefaçon et s’opposer aux violations du droit d'auteur ou de la propriété intellectuelle. Ils recouvrent plusieurs domaines : liberté d’expression, santé, surveillance d’Internet, et organisation du commerce mondial. Mais derrière les bonnes intentions affichées se cachent de nombreuses zones d'ombre qui pourraient mettre en péril les libertés d'expressions des citoyens, la vie privée des internautes et renforcer les monopoles des entreprises lobbyistes, particulièrement celles de l'industrie du divertissement et pharmaceutique.
Surveiller les internautes, censurer le réseau et privatiser les échanges
Le rapporteur de l'ACTA au Parlement européen a démissionné le 26 janvier dernier (jour de la signature de l'accord à Tokyo), dénonçant les pressions exercées sur les parlementaires européens pour qu'ils votent le texte le plus rapidement possible. Des manifestations citoyennes contre ces accords se sont déjà déroulées dans plusieurs villes européennes alors qu'un nouvel appel à manifester dans toute l'Europe a été lancé pour ce samedi 25 février. Mais que contiennent donc ces accords pour générer une levée de boucliers pareille ?
Un volet d'ACTA porte sur la propriété intellectuelle touchant Internet : les fournisseurs d'accès internet (FAI) deviendraient responsables des contenus partagés, échangés par leurs clients et se verraient donc dans l'obligation de surveiller les informations transitant par leurs "tuyaux". En clair, avec ACTA, les FAI deviennent des gendarmes d'Internet :
Il est même prévu la limitation des outils informatiques pouvant entre autres contourner des protections. ACTA a donc vocation à décider des logiciels que les utilisateurs auront ou non le droit d'utiliser :
Le principe de neutralité du réseau mondial serait balayé par ACTA alors que dans le même temps la confidentialité des communications deviendrait obsolète. Les technologies d'espionnage les plus intrusives, comme le DPI (Deep Packet Inspection, inspection profonde de paquets) seraient alors mis en oeuvre par les FAI afin de s'assurer qu'aucun fichier sous copyright ne transite, et pouvoir dénoncer les contrevenants dans le cas inverse. Un peu comme si la poste se mettait à ouvrir toutes les enveloppes pour lire les courriers et décidait ce qui peut être acheminé ou non. Le logiciel libre serait lui aussi pénalisé par ACTA : l'interdiction de rétro-ingénierie des formats propriétaires empêcherait à un système comme Linux de pouvoir proposer des logiciels en mesure de lire des DVD, par exemple. La commission européenne déclare qu'aucune surveillance d'Internet ne surviendra avec ACTA : mais l'obligation faite aux FAI de dénoncer les internautes qui "porteraient atteintes aux droits d'auteur" oblige à une surveillance de ceux-ci, une contradiction que la commission ne semble pas prendre en compte...
Les médicaments génériques et les semences bloqués aux frontières ?
ACTA ne prévoit pas d'interdire la production ou la circulation des médicaments génériques à destination des pays en voie de développement comme cela a été dénoncé de façon abusive. Mais les accords commerciaux anti-contrefaçons, de manière plus vicieuse qu'avec une interdiction pure, risquent de limiter très sérieusement le passage aux douanes des médicaments génériques. Les précédents de blocages en douanes de bateaux indiens transportant des médicaments génériques en 2008, comme une cargaison de molécules anti-VIH (toujours génériques) à destination du Nigéria en 2009 par des douanes européennes, sont des signes inquiétants de ce que les accords pourraient produire. Avec ACTA et le renforcement des contrôles aux douanes, la circulation des médicaments génériques pourrait se trouver fortement entravée.
ACTA concerne "tous les secteurs de la propriété intellectuelle qui font l’objet des sections 1 à 7 de la Partie II de l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, dont le brevet". De nombreux écologistes voient dans ACTA la possibilité de restreindre la circulation des semences avec la multiplication des brevets pour les organismes génétiquement modifiés (OGM ) : on peut lire par exemple sur la notice d'une semence Syngenta distribuée en France "La réutilisation de semences (…) est strictement interdite, sous peine du paiement d’une redevance en vertu des lois applicables ". Le traité ACTA faciliterait l’application de ces mesures en faveur de la brevetabilité du vivant , parce que s'il n'est pas autorisé de déposer un brevet sur une semence non-OGM, il est par contre désormais possible de breveter un procédé de sélection ou un gène. Par exemple, un gène peut être choisi parce qu’il est résistant à la sécheresse, et dans ce cas, l'utilisation d'une semence dont le gène a été breveté pourrait être assimilé à de la violation de propriété intellectuelle. Puisque le gène breveté est contenu dans la semence, utiliser la semence revient à utiliser le gène et donc violer la propriété intellectuelle sur son brevet.
En conclusion
L'accord commercial anti-contrefaçon semble avant tout taillé sur mesure pour les multinationales qui ont longuement travaillé en coulisses pour que celui-ci voit le jour. Tout indique qu'ACTA vise à protéger les intérêts commerciaux et industriels des pays occidentaux avant ceux des citoyens ou des pays émergents. Mais sous prétexte de lutter contre la contrefaçon et le piratage, les atteintes aux libertés sont trop importantes pour que l'adoption d'ACTA se fasse facilement. Certains pays font déjà machine arrière comme l'Allemagne dont le ministre des affaires étrangères a suspendu ses instructions pour la signature, ainsi que la Pologne. De nombreux pays ont déjà signé l'accord, dont les USA et la France, mais celui-ci doit être voté au parlement européen en juin pour rentrer en application. D'ici là, si les citoyens continuent à se mobiliser, il est possible que l'accord ne voit jamais le jour. Au grand dam des multinationales.
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YannDutch- Admin
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